On veut tout, tout de suite, maintenant. Qui ne glisse pas dans son mail : asap (as soon as possible) ? Qui n’a jamais entendu la pointe d’humour qui n’amuse plus personne au boulot “c’est pour hier” ? La patience n’existe plus nulle part. On a envie de tuer les petits-vieux dans les transports en commun aux heures de pointe, les touristes étrangers qui cherchent leur monnaie au péage, la voiture d’auto-école à deux à l’heure, les livreurs, les éboueurs… Je peux égrainer des exemples encore plus pathétiques, si si !
Au travail, le temps d’attente raisonnablement consenti est celui que Google met à afficher le résultat à ma requête. Et encore faut il avoir une bonne connexion, parce que si l’informatique s’en mêle, je me sens rapidement l’âme meurtrière. Vous aussi ? Mais qu’est ce qui nous arrive là ? L’immédiateté est elle devenue l’unité de temps normalement acceptable ? N’a t’on pas grandi avec des principes du genre : on n’a pas tout ce qu’on veut dans la vie ; à l’impossible, nul n’est tenu ; prends le temps de mâcher… Car même mes enfants ne veulent pas des tartines le matin car c’est trop long (dur ?) à manger. Bon je dérive.
A force d’optimiser, de rationaliser, il n’y a plus de marge ni de gras. On tape dans les réserves. En communication, c’est pareil. Plus le temps de se poser. On fait tout à la dernière minute, à l’arrache. On ne s’accorde plus le temps de la réflexion, de la maturation. Car même performante, la bonne idée peut germer derrière une moins bonne. Si on consulte un tiers, son œil objectif peut déceler un écueil encore gérable en amont. Mais si l’amont est déjà l’aval, c’est du temps et de l’argent mal dépensé. La précipitation, c’est certes de l’adrénaline mais aussi des coûts plus élevés. A la dernière minute, on achète ce qu’on trouve, pas le temps de négocier un contrat ou une prestation. Le profil gestionnaire du manager devrait objectivement regarder ce que lui aurait coûté la même opération menée avec une vraie préparation. Sans faire l’éloge de la lambine, il faut faire en sorte que chaque minute compte en accordant du temps à ses exigences. J’ai parfois l’impression que derrière le donneur d’ordre pressé se cache l’enfant capricieux refoulé. De sa place dans l’organigramme dépend son autonomie temporelle. Plus il est important, plus il pourra obtenir d’un claquement de doigts ou mieux encore, sans même cligner des yeux.
Une cliente veut tout bousculer : son site web, son offre, faire de la pub, contacter des journalistes, et fissa… Oh, on se calme. Avant de parler des actions, on va prendre le projet à sa base et dérouler la stratégie, identifier les cibles, choisir les moyens d’actions, planifier et chiffrer. Avec diplomatie, je lui explique que partir dans tous les sens lui donnera certes le sentiment d’agir mais probablement inefficacement. On a retravaillé son offre, aligné les messages, modernisé son site web et ses autres supports selon les cibles visées. Maintenant, on va pouvoir parler réseaux sociaux et presse.
Selon moi, il est urgent de calmer le jeu, de structurer sa pensée pour mieux ré-inventer, enchanter, investir son job.